L’absence des artistes francophones sur le podium nigérian : un fossé à combler ?
Le Nigeria s’est imposé comme un acteur incontournable de l’industrie musicale africaine et mondiale, en particulier grâce à l’essor de l’Afrobeats. Des artistes comme Burna Boy, Wizkid, Davido et bien d’autres ont conquis des scènes internationales, attirant une attention massive sur la culture musicale nigériane. Mais en observant de plus près ce succès fulgurant, une question persiste : pourquoi les artistes francophones ne parviennent-ils pas à se faire une place sur ce podium dominant ?
Un géant musical en expansion, le Nigeria, avec une population de plus de 200 millions de personnes, possède un marché intérieur colossal qui a servi de terreau pour ses talents. Cette population, associée à une diaspora très active et influente, a permis à la musique nigériane de s’étendre au-delà des frontières africaines. Des plateformes numériques comme YouTube, Spotify et Apple Music y ont également trouvé un public avide de découvrir de nouvelles tendances, facilitant ainsi la diffusion de la musique locale à un niveau global.
La maîtrise de l’anglais, langue internationale, a également été un atout majeur pour les artistes nigérians. Ils ont pu s’inscrire dans des collaborations internationales, atteignant ainsi un public beaucoup plus large, ce qui a souvent manqué aux artistes francophones.Les artistes francophones, en particulier ceux provenant de pays comme la Côte d’Ivoire, le Mali, le Sénégal ou la République démocratique du Congo, possèdent également un riche patrimoine musical. Des genres tels que le coupé-décalé, la rumba congolaise et l’Afrotrap connaissent un succès dans les pays francophones, mais ils peinent à transcender ces frontières.L’une des raisons de cette limitation est la barrière linguistique. Le français, bien que langue officielle dans plusieurs pays d’Afrique, ne bénéficie pas de la même portée internationale que l’anglais. La majorité des chansons produites dans ces pays sont donc limitées à un public qui maîtrise le français. Cela pose un défi considérable lorsque les artistes cherchent à s’imposer sur des scènes internationales dominées par des artistes anglophones, notamment ceux du Nigeria.En outre, la structure de l’industrie musicale dans de nombreux pays francophones est encore en développement comparée à celle du Nigeria. Des problèmes liés à la distribution, à la promotion, au manque d’investissement et à l’organisation du secteur freinent souvent les ambitions des artistes francophones, qui peinent à obtenir la visibilité nécessaire pour percer à l’international.
Les collaborations jouent un rôle crucial dans l’expansion de la carrière des artistes. Les artistes nigérians ont su capitaliser sur les collaborations avec des stars internationales, telles que Drake, Beyoncé ou Justin Bieber, pour augmenter leur notoriété. À l’inverse, peu d’artistes francophones ont réussi à établir des connexions similaires avec ces grandes figures de la musique mondiale.De plus, même au niveau intra-africain, les collaborations entre artistes francophones et anglophones restent rares. Lorsqu’elles existent, elles ne parviennent pas toujours à attirer l’attention des grands médias et du public mondial. Cette absence de synergies musicales entre les deux mondes contribue à accentuer le fossé.
Cependant, tout n’est pas perdu.
Ces dernières années, des artistes francophones tels que MHD (avec l’Afrotrap), Aya Nakamura, ou encore Fally Ipupa ont montré qu’il était possible de percer à l’international, même en chantant principalement en français. Ils ont su mixer les influences francophones et anglophones, tout en exploitant la puissance des plateformes numériques.
La clé pourrait résider dans une plus grande ouverture des artistes francophones à l’international, avec plus de collaborations transfrontalières, et une volonté d’adapter leur musique aux goûts d’un public mondial. Le Nigeria pourrait ainsi devenir un exemple à suivre, non seulement en termes de production musicale, mais aussi en matière de stratégie et de gestion de carrière.
L’absence des artistes francophones sur le podium nigérian reflète une série de facteurs complexes, allant des barrières linguistiques aux différences structurelles dans l’industrie musicale.
Cependant, avec les récents succès de certains artistes francophones à l’échelle internationale, il est clair que des ponts peuvent être bâtis entre ces deux mondes musicaux. L’avenir de la musique africaine réside dans une meilleure coopération et une ouverture entre les artistes des différentes sphères linguistiques et culturelles.