Nos politiciens africains : ne sont-ils vraiment pas fous ?
Le pouvoir fascine, corrompt, transforme. Mais lorsqu’il est exercé de manière excessive, il peut aussi devenir un piège, un cercle vicieux où les idéaux s’effacent pour laisser place à une soif insatiable de contrôle. Cette réalité, bien souvent observée sur le continent africain, soulève une question fondamentale : nos politiciens sont-ils déraisonnables, ou est-ce le pouvoir lui-même qui les change au point d’altérer leur humanité ?
Il est souvent dit que le pouvoir révèle la vraie nature de l’homme. Pour certains, il exacerbe des traits latents : l’avidité, la vanité, ou même une certaine forme de paranoïa. En Afrique, où le paysage politique est souvent marqué par des contextes post-coloniaux complexes, des inégalités criantes et des luttes acharnées pour le contrôle des ressources, le pouvoir devient une arme et une source de richesse, parfois plus qu’une responsabilité morale.
Les exemples ne manquent pas. Combien de dirigeants ont promis monts et merveilles avant leur ascension pour ensuite s’accrocher au pouvoir à coups de manipulations constitutionnelles, de répressions violentes ou d’élections frauduleuses ? De l’Afrique centrale à l’Afrique de l’Ouest, des figures politiques autrefois charismatiques et inspirantes ont souvent basculé dans des dynamiques autocratiques, trahissant les espoirs de leurs populations.
Le système politique africain, dans bien des cas, hérite de modèles coloniaux qui privilégiaient la centralisation extrême du pouvoir. Ce modèle, rarement remis en cause, favorise une culture où l’homme politique est perçu comme un “roi moderne”. Les institutions, bien qu’existantes, sont souvent fragiles et incapables de contenir les abus.
De plus, la glorification du leader et la personnalisation excessive du pouvoir alimentent une mentalité qui associe l’État à l’individu. Dans cette perspective, quitter le pouvoir est vu non pas comme une étape naturelle, mais comme un désaveu ou une menace existentielle. L’exemple des présidents africains multipliant les mandats malgré l’opposition populaire illustre cette dynamique.
Faut-il accuser le pouvoir ou ceux qui le recherchent ? Selon des analyses psychologiques, le pouvoir agit comme un catalyseur. Il intensifie les traits existants et peut entraîner une déconnexion progressive de la réalité. Les dirigeants entourés de courtisans et coupés des masses tombent souvent dans une spirale de décisions égoïstes et irrationnelles, où leur propre maintien au pouvoir devient plus important que le bien-être collectif.
Cependant, tous les politiciens africains ne sombrent pas dans ce cycle. Certains, à l’image de figures comme Nelson Mandela, ont démontré qu’il est possible d’exercer le pouvoir avec humilité et en restant fidèle à des principes. Cela prouve que le pouvoir, s’il est bien utilisé, ne transforme pas nécessairement en tyran ou en égoïste.
La folie présumée de nos politiciens soulève une autre question : celle de la responsabilité des citoyens. Dans des sociétés où le clientélisme est répandu et où les populations se résignent parfois face aux abus, le changement devient difficile. Les électeurs, en quête de bénéfices individuels ou manipulés par des discours populistes, contribuent parfois eux-mêmes au maintien de systèmes défaillants.
Nos politiciens africains ne sont pas intrinsèquement fous. Ils évoluent dans un système complexe où le pouvoir agit comme une force centrifuge, attirant certains et rejetant les principes éthiques. Mais ce système n’est pas immuable. Il revient à chaque citoyen, aux intellectuels, aux médias et aux institutions de bâtir un environnement politique où le pouvoir n’est plus une fin en soi, mais un moyen de servir.
Le pouvoir, qu’il soit en Afrique ou ailleurs, ne devrait pas changer l’homme en despote, mais plutôt révéler sa capacité à inspirer, construire et transformer positivement. Reste à savoir si les générations futures seront capables de briser ce cycle et de redéfinir la relation entre l’homme et le pouvoir.