Makoko, la “Venise de Lagos” : une ville dans la ville
Perché au bord du lagon de Lagos, Makoko est bien plus qu’un simple quartier de la mégapole nigériane. Surnommé parfois la “Venise de Lagos”, Makoko incarne une symbiose fascinante entre résilience humaine et défis urbains. Bien que souvent décrit comme un bidonville, ce quartier flottant raconte une histoire riche, mêlant traditions ancestrales, marginalisation, et ingéniosité communautaire.
Makoko a vu le jour au XIXe siècle en tant que modeste communauté de pêcheurs. Aujourd’hui, il s’est transformé en une agglomération dense, habitée par environ 250 000 personnes, bien que les chiffres exacts soient difficiles à établir. Le quartier est divisé en deux parties : une zone terrestre, où les habitations sont construites sur des terres fermes, et une zone aquatique, où les maisons sur pilotis s’élèvent au-dessus des eaux troubles du lagon.
La majorité des habitants sont issus de groupes ethniques tels que les Egun et les Yoruba, dont les traditions sont profondément ancrées dans la pêche et la vie aquatique. Dans la partie flottante, les pirogues remplacent les voitures : elles servent de moyen de transport, de commerce, et même d’habitations.
Makoko est un microcosme à la fois autonome et marginalisé. Dans ce quartier, l’accès aux infrastructures de base est limité : l’eau potable, l’électricité, et les services sanitaires sont rares, voire inexistants. Les habitants doivent souvent improviser pour répondre à leurs besoins quotidiens, utilisant des ressources locales et recyclant les déchets pour construire et réparer leurs maisons.
L’éducation est un autre défi majeur. Malgré cela, des initiatives locales comme l’école flottante de Makoko – une structure novatrice et durable – témoignent de la créativité et de la détermination des habitants à offrir un avenir meilleur à leurs enfants.
Le gouvernement nigérian a historiquement considéré Makoko comme un “problème urbain” plutôt qu’un patrimoine vivant. En 2012, une tentative d’expulsion massive a entraîné la démolition de plusieurs habitations flottantes, laissant des milliers de personnes sans abri. Ces actions ont mis en lumière le conflit entre la nécessité de moderniser Lagos et le droit des populations marginalisées à maintenir leur mode de vie.
Makoko est souvent stigmatisé comme un lieu de pauvreté et de dénuement. Pourtant, pour ses habitants, il représente une maison et un mode de vie qu’ils chérissent. La communauté a développé une forte solidarité interne, où chacun contribue à la survie collective.
Makoko est plus qu’un quartier surpeuplé ; il est un symbole de résilience face à l’adversité. Ses habitants, souvent invisibles aux yeux de la ville qui les entoure, incarnent une créativité et une capacité d’adaptation remarquables. À travers leur quotidien, ils défient les stéréotypes et illustrent comment une communauté peut prospérer dans des conditions précaires.
Le quartier attire également l’attention d’architectes, de chercheurs et d’artistes du monde entier, fascinés par son modèle de vie unique. Des projets de développement durable, comme la création d’habitations flottantes écologiques, pourraient transformer Makoko en une source d’inspiration pour d’autres régions du monde confrontées à la montée des eaux ou à des défis similaires.
Malgré son charme unique, Makoko reste confronté à de nombreuses incertitudes. La pression de l’urbanisation rapide et le manque de reconnaissance officielle menacent sa survie. Toutefois, les voix de ses habitants et des défenseurs de leur mode de vie continuent de plaider pour une intégration respectueuse de Makoko dans le développement de Lagos.
Makoko, cette “ville dans la ville”, n’est pas seulement un lieu : c’est une leçon sur l’ingéniosité humaine et la capacité de trouver de la beauté et de la communauté même dans les environnements les plus difficiles.